Faire la vie dans les laboratoires | MONDE

Thibault Delacroix

Faire la vie dans les laboratoires | MONDE

Note de l’éditeur : le texte suivant est une transcription d’une histoire de podcast. Pour écouter l’histoire, cliquez sur la flèche sous le titre ci-dessus.

MARY REICHARD, HÔTE : Ensuite… manipuler la reproduction humaine.

Plus tôt ce mois-ci, une équipe de scientifiques de l’Oregon a annoncé avoir réussi à féconder des ovules humains en laboratoire… mais il ne s’agissait pas de cellules ordinaires.

NICK EICHER, HÔTE : Le Dr Paula Amato dirige les recherches de l’Université de la santé et des sciences de l’Oregon sur l’endocrinologie et l’infertilité. Elle a parlé de ses recherches sur le podcast Peter Attia cet été.

PAULA AMATO : Gamétogenèse in vitro, qui consiste à produire des ovules et des spermatozoïdes, potentiellement à partir de cellules de la peau.

Quel est l’objectif ici… et est-ce éthique ? David Prentice nous rejoint maintenant pour en parler… il est titulaire d’un doctorat en cellules souches et co-fondateur de la Science Alliance for Life and Technology.

REICHARD : David, bonjour.

DAVID PRENTICE : Bonjour. C’est bon d’être avec toi.

REICHARD : Eh bien, commençons par les faits de base… les femelles humaines produisent naturellement des ovules et les mâles produisent du sperme. Alors (en termes simples), comment les scientifiques ont-ils réussi à fabriquer des ovules et des spermatozoïdes à partir de cellules de la peau ?

PRENTICE : Leur point de départ était un clone, prenant ce noyau d’une cellule de peau, le mettant dans un œuf, créant ainsi un tout nouvel être humain. Mais ensuite d’autres manipulations pour amener ce nouvel être humain à jeter la moitié de ses chromosomes afin de pouvoir ensuite l’appeler un œuf. Cela ressemblait un peu à un œuf et se comportait un peu comme un œuf. Ils pourraient en obtenir un petit pourcentage pour les féconder avec du sperme. Mais c’est une façon tellement étrange et horrible, en fait, quand on y pense, de créer un être humain, on crée puis on détruit un être humain pour fabriquer l’œuf, puis on essaie de recréer un être humain dans des conditions quelque peu normales.

REICHARD : Et quel est le taux de réussite ?

PRENTICE : Soyons clairs : à travers toutes ces manipulations, ils n’ont vraiment pas réussi. Il y a eu une citation selon laquelle ils l’ont fait fonctionner en partie. Cela n’a vraiment pas très bien fonctionné du tout. Seule une petite fraction de ces œufs fabriqués en laboratoire a pu être fécondé et croître pendant un petit moment, et encore une fois, ils ont été détruits, comme c’est le cas dans toutes ces expériences, après quelques jours. Mais même ceux qui ont grandi pendant quelques jours présentaient des anomalies génétiques. Et même les chercheurs qui soutiennent ce genre d’expériences se demandent vraiment si ce type de procédure pourrait un jour produire des êtres humains normaux.

REICHARD : David, nous avons contacté le Dr Amato et son équipe, et leur porte-parole a déclaré : « il n’est pas encore clair si cette technique sera finalement suffisamment sûre pour être utilisée en clinique. »

Que sait-on de la finalité médicale que ces chercheurs ont en tête ?

PRENTICE : L’une des choses qui est souvent citée est qu’il y a tellement de personnes qui souffrent d’infertilité, de femmes qui ne peuvent pas produire d’ovules, qui ne peuvent pas devenir fertiles et porter un enfant. Donc, ce qu’ils vont d’abord dire, c’est, oh, eh bien, nous pourrions fabriquer des œufs qui leur seraient génétiquement adaptés, et ensuite ils pourraient avoir un bébé. Et cela part toujours de là, bien sûr. Eh bien, qu’en est-il des couples homosexuels ? Les couples homosexuels pourraient produire des ovules ou du sperme et pouvoir ensuite créer des individus génétiquement liés. Cela continue à partir de là ; Il existe en fait une proposition selon laquelle une personne pourrait produire des ovules ou des spermatozoïdes à partir de ce type de procédures, et vous pourriez avoir ce qu’on appelle un uni-bébé, quelqu’un qui aurait été créé par fécondation après avoir utilisé ces autres techniques. Mais c’est, tout cela vient de leur propre génétique.

REICHARD : Quelles sont les règles applicables à ce type de recherche ? Peuvent-ils franchir les prochaines étapes de la création d’embryons… et d’enfants nés ?

PRENTICE : Eh bien, il existe des réglementations et des lois en place. Nous n’en avons pas beaucoup, même aux États-Unis. Au moins au niveau fédéral, il y a un, c’est un avenant qui est mis en place chaque année par le Congrès depuis 2015, il s’appelle l’Amendement Adderhold, et il dit que vous ne pouvez pas modifier génétiquement et créer des embryons génétiquement modifiés et les mettre en gestation. Il existe des lois, en fait dans une douzaine d’États, qui les empêcheraient de recourir à ce type de procédure de clonage.

Vous savez donc qu’ils peuvent faire une partie de cela dans certains États, mais il y en a d’autres où ils ne pourraient pas le faire, même en laboratoire, et il semble que cette interdiction fédérale pourrait les empêcher de mettre au monde ces individus particuliers, ce qui est une bonne chose.

Revenons à la vraie raison pour laquelle ils veulent faire ça. Ils veulent jouer à Dieu. Ils veulent créer des êtres humains et faire toutes sortes d’expériences sur eux. Et c’est juste quelque chose pour lequel nous ne devrions même pas vraiment franchir ce seuil.

REICHARD : Je suis curieux : les scientifiques se demandent-ils parfois : « Qu’est-ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant ? »

PRENTICE : Vous avez vraiment mis le doigt sur les principaux problèmes ici. Et c’est qu’ils ne pensent pas aux enfants. Ils considèrent les enfants, disons, comme des marchandises, comme des produits qui peuvent être fabriqués, et c’est pour satisfaire les désirs des adultes, et ils ne pensent pas à ce qu’il y a de mieux pour l’enfant qui pourrait être créé et non à ce qui est le mieux pour la société dans son ensemble.

REICHARD : David Prentice est co-fondateur de la Science Alliance for Life and Technology. Merci, David.

PRENTICE : Merci.